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ORTHOPHONISTE LE JOUR, ECRIVAIN LA NUIT.
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10 juillet 2011

NOVISSIMA VERBA "une quatrième"

NOVISSIMA VERBA 

Certains écrivains sont aussi d’incroyables illusionnistes. Ils suggèrent, peignent par petites touches réalistes un décor et une histoire, et convainquent le lecteur qu’il s’embarque pour un banal récit linéaire. Alors que, bien sûr, tout n’est que vision faussée et discours dévié. Eric Guillotte se pose comme l’un de ses habiles jongleurs de mots.
Passé le barrage des locutions latines, le roman semble adopter une facture simple et classique : un jeune homme se raconte. Il a choisi de «vivre de peur de mourir, vivre à pleine vitesse, à sa vitesse». Un peu voyou, un peu désinvolte, il redéfinit ses propres lois pour composer avec les aléas de l’existence. Après tout, «on n’est pas né pour se faire chier».
A l’adolescence, comme d’autres vivent leurs premiers émois sexuels dans les vestiaires, Lui (appelons-le ainsi puisque aucun prénom ne vient jamais embarrasser la narration) frissonne et se trouble devant le canon d’une arme. Délice tout juste approché. Et magnifiquement décrit : Eric Guillotte excelle dans ces passages où il décrit la relation à l’arme. Désormais, de petits délits en trafic organisé, le héros courra toute sa vie après cette jouissance originelle. Mais sans méchanceté. C’est le jeu et l’adrénaline qui le motivent, pas le résultat.
Alors forcément, on finit pas trouver sympathique ce faux méchant qui veut tellement prendre sa vie en main, se différencier de la masse. On l’imagine beau. Pourquoi pas ? De ce charme trouble, panache des mauvais garçons. On ferme les yeux sur les quelques entorses à la loi et la morale. Et lorsqu’il rencontre, enfin, une jeune fille digne de lui, on sourit. Même si le jeu continue un peu trop loin, un peu trop dur.

Intervient la bascule. Au moment où la partie s’annonçait gagnée, l’auteur abat ses cartes, projette le lecteur dans un récit polyphonique où la folie le dispute au tragique, et le macabre au désespoir. Finie la douce fureur de vivre du héros. Le portrait à la James Dean se fissure, il suinte l’horreur. La mère, puis le père racontent. Ils parlent de l’insoutenable, du délire. Et là, une fois encore, l’histoire ne colle pas, les versions se contredisent. Pire, on croirait une histoire autre. Les paramètres de bases restent les mêmes, l’interprétation radicalement diffère.
Eric Guillotte mène une double vie : orthophoniste le jour, écrivain la nuit. Ce premier roman est, tout entier, nourri de son travail sur la parole. Derrière le récit monstrueux d’un fait-divers digne des grandes messes du 20 heures, l’auteur livre la parabole d’un enfant que la société classerait volontiers dans la case «dérèglement cognitif et difficultés sociales invalidantes». Condamnation aussi rhétorique qu’absconse. Car comment communiquer quand le «dire» se dérobe ? Quand les mots ne sortent pas, ou mal ? Quand, par handicap, lassitude ou blessure psychologique, la communication déserte la famille.
Tel est le mérite de l’ouvrage : nous rappeler, sans rien juger ni pardonner, que la vie en communauté est affaire de paroles, de mots échangés et, plus encore, compris.


Stéphanie Scaringella

Parutions.com

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